Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres.
Commencer la dernière partie par cette image : l'âne aveugle qui patiemment pendant des années tourne autour de la noria, endurant les coups, la nature féroce, le soleil, les mouches, endurant encore, et de cette lente avancée en rond, apparemment stérile, monotone, douloureuse, les eaux jaillissent inlassablement...
J'ai grandi dans la mer et la pauvreté m'a été fastueuse, puis j'ai perdu la mer, tous les luxes alors m'ont paru gris, la misère intolérable. Depuis j'attends.
Est-ce qu'on fait la nomenclature des charmes d'une femme très aimée ? Non, on l'aime en bloc, si j'ose dire, avec un ou deux attendrissements précis, qui touchent à une moue favorite ou à une façon de secouer la tête.
Que m'importaient la mort des autres, l'amour d'une mère, que m'importaient son Dieu, les vies qu'on choisit, les destins qu'on élit, puisqu'un seul destin devait m'élire moi-même et avec moi des milliards de privilégiés qui, comme lui, se disaient mes frères.
De toutes les écoles de la patience et de la lucidité, la création est la plus efficace. Elle est aussi le bouleversant témoignage de la seule dignité de l'homme: la révolte tenace contre sa condition, la persévérance dans un effort tenu pour stérile.
Albert Camus à René Char: - Chance de vous avoir rencontré, il y a déjà des années, et que l'amitié ait pris entre nous cette force qui enjambe l'absence.
Comme si cette grande colère m'avait purgé du mal, vidé d'espoir, devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. J'ai senti que j'avais été heureux et que je l'étais encore.
Je les voyais comme je n'ai jamais vu personne et pas un détail de leurs visages ou de leurs habits ne m'échappait. Pourtant je ne les entendais pas et j'avais peine à croire à leur réalité.
Preuve admirable de la puissance de sa religion : il arrive à la charité sans passer par la générosité. Il a tort de me renvoyer sans cesse à l'angoisse du Christ. Il me semble que j'en ai un plus grand respect que lui, ne m'étant jamais cru autorisé à exposer le supplice de mon sauveur, deux fois par semaine, à la première page d'un journal de banquiers...