Un jour, deux chauves dans un coin Virent briller certain morceau d'ivoire. Chacun d'eux veut l'avoir ; dispute et coups de poing. Le vainqueur y perdit, comme vous pouvez le croire, Le peu de cheveux gris qui lui restaient encor. Un peigne était le beau trésor Qu'il eut pour prix de sa victoire.
Pourquoi donc, dit alors don altesse en colère, Le plus aimable des oiseaux Se tint-il dans les bois, farouche et solitaire, Tandis que mon palais est rempli de moineaux ? C'est, lui dit le Mentor, afin de vous instruire De ce qu'un jour vous devez éprouver : Les sots savent tous se produire ; Le mérite se cache, il faut l'aller trouver
Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte, Sans songer seulement à demander sa route, Aller de chute en chute, et, se traînant ainsi, Faire un tiers du chemin jusqu'à près de midi ; Voir sur sa tête alors amasser les nuages, Dans un sable mouvant précipiter ses pas, Courir, en essuyant orages sur orages, Vers un but incertain où l'on n'arrive pas ; Détrompé vers le soir, chercher une retraite; Arriver haletant, se coucher, s'endormir ; On appelle cela naître, vivre et mourir. La volonté de Dieu soit Faite !