La folie a sa propre logique et le vrai fou se sait sain d'esprit : c'est ce qui fait sa force. Il a un avantage énorme sur les autres, pour qui l'équilibre mental est avant tout une affaire de consensus.
Le monde romanesque n'est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l'homme. Car il s'agit bien du même monde. La souffrance est la même, le mensonge et l'amour. Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n'est ni plus beau ni plus édifiant que le nôtre. Mais eux, du moins, courent jusqu'au bout de leur destin et il n'est même jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu'à l'extrémité de leur passion.
Nous avons tellement besoin d'histoires, de croire en nos histoires, qui sont plus vraies que la réalité. Parce que la réalité ne tient debout, elle n'est vivable que si nous lui inventons une beauté. Bâtisseurs d'histoires, à nous en déchirer le cœur.
Car la beauté reste. Pour peu que nous la reconnaissions, elle est notre éternité. Le dépassement de notre condition mortelle est dans l'art, la fabuleuse variété, la dépense inouïe des civilisations.