La haine n'est-elle pas aussi douloureuse que l'amour ? Celui qui déteste son semblable s'enchaîne à sa rancune, se fait prisonnier de son ressentiment. Il n'est plus un être libre.
Nous sentîmes alors descendre dans notre âme, nouvelle pour nous, l'antique douleur du peuple qui n'a pas de patrie, la douleur sans espoir de l'exode que chaque siècle renouvelle.
L'expérience [du camp] nous avait prouvé maintes fois la vanité de toute prévision : à quoi bon se tourmenter à prévoir l'avenir, quand aucun de nos actes, aucune de nos paroles n'aurait pu l'infléchir si peu que ce fût ?
Le sentiment de notre existence dépend pour une bonne part du regard que les autres portent sur nous : aussi peut-on qualifier de non humaine l'expérience de qui a vécu des jours où l'homme a été un objet aux yeux de l'homme.
La faculté qu'a l'homme de se creuser un trou, de sécréter une coquille, de dresser autour de soi une fragile barrière de défense, même dans des circonstances apparemment désespérées, est un phénomène stupéfiant qui demanderait à être étudié de près.