Dans ce rêve de fleurs et de légumes, j'écrasais sous mes pieds brunis l'herbe sèche et touffue du jardin et je m'enivrais des parfums. Et d'abord de celui des feuilles de géranium que, couché à plat ventre parmi les tomates et les petits pois, je froissais entre mes doigts en me pâmant de plaisir : une feuille à la légère acidité, suffisamment pointue dans son insolence vinaigrée mais pas assez pour ne pas évoquer, en même temps, le citron confit à l'amertume délicate, avec un soupçon de l'odeur aigre des feuilles de tomate, dont elles conservent à la fois l'impudence et le fruité.
Muriel Barbery