Je vis ici au royaume de la prévisibilité. Chaque jour s'écoule, miroir de la veille, esquisse du lendemain. Les variations des heures jouent sur la coloration du ciel, les allées et venues des oiseaux et mille nuances à peine perceptibles.
Dans une vie, le feu roulant de la nouveauté brise les chaînes de la monotonie et donne aux jours leur puissance. L'énergie de l'existence se trouve contenue dans la propre incertitude de son déroulement.
Les silhouettes sombres de petits personnages accompagnés de chiens avancent sur la grève pour nous accueillir. Bruegel peignait ainsi les campagnards. L'hiver transforme toute chose en tableau hollandais : précis et vernissé.
Je pousse la porte de la cabane. En Russie, le formica triomphe. 70 ans de matérialisme historique ont anéanti tout sens esthétique chez le russe. D'où vient le mauvais goût ? Pourquoi y a-t-il du lino plutôt que rien ?
Le secret est de s'extraire de la glu de la durée. Pour éprouver toute l'intensité du moment, il ne faut plus le rapporter à l'expérience du passé ou à l'espoir de l'avenir.