Sidération. Etat de sidération. Quand la douleur est telle que le cerveau renonce, pour un temps, à faire son boulot de transmetteur. Cette hébétude entre le drame et les hurlements.
Il semble qu'il existe dans le cerveau une zone tout à fait spécifique qu'on pourrait appeler la mémoire poétique et qui enregistre ce qui nous a charmés, ce qui nous a émus, ce qui donne à notre vie sa beauté.
Chaque souvenir, aussi lointain soit-il, a lieu "maintenant", au moment où il apparaît dans l'esprit. Plus on se souvient d'une chose, plus le cerveau a la possibilité d'affiner l'expérience originale, car un souvenir ne se visionne pas, il se recrée.
façon d'aimer, façon de haïr Les schizophrènes ont une façon d'aimer étrangement semblable aux façons de la haine. On ne compte pas les gens qui s'y sont laissé prendre.
Certains schizophrènes, tant ils tiennent la garde pour écarter les oiseaux, font songer à des épouvantails usés. Mais attention, quand la vie, de nouveau timidement, les habite sous les mêmes oripeaux, attention à ne pas manquer cette éclosion fragile. Combien de schizophrènes sont-ils retournés à leur vide, épouvantails maintenant définitifs, parce qu'on n'a pas entendu revenir un murmure de vie ?
Les schizophrènes ont un besoin absolu de concret. Plus vif est le désaveu qu'ils font de leur réalité — psychique de l'existence même de cette réalité intérieure propre — et plus grand leur appétit de concrétude. Vivre la schizophrénie consiste à bien à vivre hors de soi.
Je suis pleinement d'accord avec F. Pasche (1965-1969, 1971) pour estimer que le conflit fondamental des psychotiques se rapporte au conflit originaire entre le narcissisme et l'antinarcissisme. L'antinarcissisme, Pasche nous le montre à l'œuvre : il est cette force qui très tôt tire le sujet hors de soi, lui soutire sa substance et l'arrache à sa chair en l'aspirant vers l'objet — s'opposant au narcissisme qui, s'il était pur, ne poursuivrait qu'unité totale, intégrité absolue et, comme un œuf, parfaite autarcie.