On devrait toujours prendre des photos, même si on n'a pas d'appareil, au moins avec son esprit. Les souvenirs qu'on se fait soi-même, volontairement, sont toujours plus vifs que ceux qu'on enregistre par accident.
La femme qui se trouve en ce moment près de moi, caresse ses seins, les pointes sont rouges ; sur chaque sein il y a un portrait, à gauche Foch, à droite le Soldat inconnu. Son ventre est peint en blanc, ses jambes en jaune, hélas, elle danse le Tango ! Ses fesses sont prises dans une boîte à bougies, le dessus de la boîte est fendu ainsi qu'une tirelire, de cette fente s'échappent des perles bleues, je les enfile. Les bras de cette femme sont en plâtre, sans articulations, elle les tient écartés, en croix. Tout à coup elle s'arrête de danser et je me sens pris de vertige dans le silence impressionnant.
La fille du ventre blanc frôle ma jambe et me donne une émotion sincère, écoutez-moi : Broyer du noir ou du blanc c'est pareil ; n'avez-vous pas l'obscur sentiment de la lumière ? personne ne vous trompe, vous n'êtes plus jaloux ; ne pensez pas aux cimetières, à la misère, vivez comme le petit Jésus, tout nus mais ayez un parasol pour mettre votre sexe à l'ombre.